Je blasphème donc je suis

A tous mes amis, et notamment ceux qui iront défiler demain (article écrit au lendemain du meurtre terroriste de toute l'équipe de Charlie Hebdo ndrl): en cette heure quand même gravissime, il ne me suffira pas, à moi, de porter un badge "Je suis Charlie".
En effet, quelle est l'unique chose que faisait Charlie, que les autres ne faisaient pas et qui leur a valu d'être abattus comme ils l'ont été ? Réponse sans aucune équivoque possible : ils blasphémaient. Alors demain, si je veux, si tu veux, si nous voulons tous être Charlie, mon ami, pas juste en surface, mais pour l'incarner profondément et réellement ne fut-ce que le temps d'une manif, une seule chose à faire, sans équivoque possible : BLASPHEMER. Chopez les bonnes couv' des anciens numéros de Charlie sur le net, et que les chrétiens blasphèment sur la bible, les juifs sur la Torah, les musulmans sur le Coran, les laïcs sur leur République moisie et leurs leaders corrompus, les hindous sur Vishnu et Krishna, les boulangers sur le pain bannette du super U, les zicos sur l'industrie du caca auditif, sur qui vous voulez, mais BLASPHEMONS contre tous les dogmes qui nous enjoignent de suivre la règle, les pensées toutes faites et héritées comme vérités qui ne sont qu'oeillères étouffantes, les voix/voies toutes tracées, tombées du ciel, qui nous déresponsabilisent et nous empêchent de nous doter des outils intellectuels et critiques permettant de nous forger des opinions personnelles.
Avoir le droit de blasphémer, c'est juste dire à l'autre : je me battrai pour que tu puisses croire à ta religion dans ta sphère privée, mais TU NE M'IMPOSERA PAS ton système de pensée religieux dans MA sphère privée, tu n'y arriveras pas (oui, bien entendu, nous parlons bien du religieux, puisque le blasphème est une notion qui n'apparait que dans ces grands systèmes de pensée que sont les religions, tout le monde aura noté qu'il n'y a pas de blasphème en science, en art, en médecine ou en technologie).
Nous sommes en République, et ici, en France, le délit de blasphème n'existe pas, parce que la Religion n'a pas droit de cité du point de vue des idées lorsqu'il s'agit de la 'Res Publica', la chose publique.
Et le plus beau, c'est que ce faisant, en séparant définitivement le religieux et la chose publique, nous offrons à TOUTES les religions le meilleur refuge qui soit, puisque nous les accueillons en notre seing et qu'elles sont toutes reconnues chez nous (y compris bien sûr les minoritaires, sauf lorsqu'elles sont visiblement de type sectaire comme les raëliens par exemple) et ont le droit d'exister comme elles l'entendent....dans la sphère privée des gens qui souhaitent s'y soumettre et s'y contraindre.
Et dans la sphère publique, nous les athées, avons le droit de les critiquer et de nous moquer, et si des gens se sentent offensés, nous avons même mis en place des délits d'injures, de calomnie ou d'autres encore (mais PAS celui de blasphème) et des tribunaux (civils, bien évidemment) pour trancher les différends.
De plus, notre histoire elle-même, en France, est construite notamment autour de grands hommes qui ont porté très haut et très loin les notions d'indépendance d'esprit, de critique auto-réflexive, de recherche de la connaissance libre, de respect et de tolérance de la diversité, de mise en perspective et en critique quasi-systématique (ah bon? les français râlent?)...et tout cela passe, concrètement et quotidiennement, par le droit à la critique moqueuse, et donc à celle des religions....ce qui pour elles s'appelle du blasphème!! CQFD. =>notre vivre ensemble est fondé par le droit de dire des choses que d'autres interprètent dans leur petite caboche comme du putain de blasphème de merde (ce qui, avec la notion de péché originel, et bien l'un des concepts les plus pourris de la théologie planétaire).
A ceux qui se demanderaient pourquoi la critique doit être moqueuse, on répondrait 1) que l'humour est une arme terrible contre les sectaires et les fanatiques, qui ne s'y trompent pas, le massacre des journalistes humouristes dessinateurs français en est la preuve horrifiante; 2) dites-donc, vous vous foutriez pas un peu de notre gueule : l'humour face à la bêtise, au sectarisme, à la contrainte dogmatique, qui sont la base du massacre, de la barbarie et de l'abjection portées au rang d'action spirituelle, c'est quand même pas si grave, non ? C'est précisément parce que ces fondamentalistes tuent au nom de leur prophète qu'ont a le droit et même qu'on DOIT, pour le dénoncer, représenter celui-ci en le caricaturant en meurtrier.
Je ne veux (et ne peux) pas aborder ici le problème des différences de culture, ceux qui me connaissent bien savent que j'aime profondément la diversité culturelle, et je sais parfaitement bien que les principes que j'expose là ne peuvent pas être appliqués tels quels en terres musulmanes, hindouistes ou autre encore. Je dis simplement : 1) contrairement aux fanatiques, je ne parle pas d'imposer ce modèle de république laïque au monde entier ni aux cultures et aux peuples qui n'en veulent pas; 2) au cas où cela vous aurai échappé, il semblerait que les peuples du XXIème siècle, eux, ont qd même plutôt envie de notre modèle que d'un modèle de dogme religieux, il me semble que depuis 2011, certains peuples arabes ont décidé d'entamer une mue de leur modèle et de leur architecture sociale, ce en quoi ils se heurtent évidemment à d'immenses résistances au changement; 3) ne pas oublier qu'ici...ben bordel de merde de putain de dieux, c'est la France, et que donc ICI, on a bien les moyens d'imposer ce modèle, puisque c'est celui qu'on s'est choisi collectivement en tant que peuple et que fraternité autour de nos identités françaises variées.
C'est pourquoi, demain je porterai un badge ou une pancarte avec une couv' de Charlie bien provocante agrémentée d'un philosophique "JE BLASPHEME DONC JE SUIS" ou bien d'un un peu plus aggressif (colère et rage obligent) "JE BLASPHEME SI JE VEUX" (sous-endentu pour moi, "Assassin! Sombre Connard! Pathétique guignol de ta propre ignorance déguelasse").
Si vous êtes d'accord avec l'idée, faite-le et faites passer le mot à vos propres amis.
Pour conclure, j'invite tous mes amis et mes proches avec qui j'ai pu discuter des problèmes de théologie comparée, et donc de théologie musulmane / coranique, à lire l'article / lettre ouverte que je vous mets en lien ici. A mon énorme contentement, Abdennour Bidar est un philosophe contemporain, issu du monde musulman, et qui dit enfin avec des mots magnifiques et bien plus profonds et justes que moi, ce que j'essaie de dire parfois à ma manière : la théologie coranique porte en son sein le monstre que nous voyons, et c'est bien l'Islam qui a engendré l'hydre monstrueuse, pas l'Occident (bien évidemment, seul un bisounours ignorerait que l'Occident et la France portent leurs propres erreurs et responsabilités, drames, plaies et fléaux,). Mais aussi longtemps que le monde musulman (c'est-à-dire les croyants, au jour le jour) n'aura pas compris et refusera d'assumer que c'est bien l'Islam lui-même qui a enfanté ce monstre, ce monstre le détruira de l'intérieur. Car comme de juste, qui souffre le plus de cet islam malade ? : les musulmans eux-mêmes. Et se faire traiter ou passer pour un islamophobe lorsque l'on dit tout cela est 1) insupportable et inadmissible dans notre république laïque (c'est ce que Charb et tout Charlie s'époumonaient à hurler sur le mode de la caricature); 2) est le meilleure moyen d'ouvrir toutes grandes les vannes du transfert des consciences vers la peste brune, le lepénisme étant comme de juste la seule force politique à donner officiellement droit de cité à cette question des racines problématiques de la théologie de l'Islam.
C'est pourquoi souvent pour ma part j'alerte sur ce thème : seul les musulmans pourront guérir l'Islam de son cancer djihadiste, mais pour cela encore faut-il qu'ils comprennent de quoi ce cancer provient-il, et selon le philosophe musulman auteur de ce texte (ou selon Salman Rushdie) ce n'est pas de l'Occident.
Tout dernier point : il semble que dans nombre de cultures arabo-musulmane, la traduction du mot "laïc" est impossible autrement que par "athée", ce qui est fort dommageable et tout à fait dramatique, car cela n'a rien à voir : nous n'attendons pas des religieux/croyants qu'ils renoncent à leur dieu, à leurs rites, à leurs fêtes et à leurs grigris (nous avons les nôtres, laïcs et républicains), nous exigeons que cela se fasse en conformité avec les lois de la République. Athée et laïc sont des concepts parfaitement distincts, une grande partie de la population française est catholique, laïque et républicaine, et si cela est confirmée, cette impossibilité sémantique est un vrai problème pour la survenue en ses terres d'un Islam républicain, survenue attendue et déclarée comme possible par tous les esprits de bonne volonté.
Je vous en prie, lisez ce texte attentivement, il a été publié sur Marianne en octobre 2014, avant le massacre.

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