Fidélité ou irremplaçabilité ?

Benoîte Groult et Paul Guimard (tous deux écrivains) ont écrit un "Journal amoureux" à quatre mains, où chacun nous livre ses états d'âmes dans une chronique quotidienne écrite sur une période de 2 ans. On y découvre avec plaisir un jeune couple amoureux, mais aussi parfois certaines frictions, de la mélancolie et surtout des réflexions lumineuses sur le couple, l'amour, la fidélité etc...

Morceaux choisis :

"Je t'aime mon petit amour. Impossible, difficile de te tromper quand tu es loin, Je pense bien trop à toi. IL va falloir attendre ton retour. C'est une "chose ébouriffante". Pourtant, toutes les femmes sont dehors avec des robes invisibles. Mais c'est toi, toi que, toi dont... Ma chérie je t'embrasse et je tombe de sommeil et je ne sais plus ce que je dis mais je sais bien ce que je pense. Ton Paul"

"Paul que j'aime. Je ne peux pas rester près de toi : je te réveillerais. J'ai trop envie de te serrer dans mes bras et de caresser ton corps qui représente tout pour moi. Je t'aime et je serais malheureuse sans remèdes si tu ne vivais pas avec moi. Je pleure en t'écrivant tant je pense à la douceur de ton retour et à la violence de mon amour. Benoîte"

"Depuis quelques temps, dans nos conversations conjugales, nous abordons le problème de la fidélité. Nous veillons scrupuleusement à donner à ces parlotes un tour très dégagé, voire primesautier. Pas question de tomber dans la gravité à propos de sujets graves. Chacun fait assaut de largeur d'esprit, de compréhension... Nous nous offrons même le luxe de subtils distinguos : si ça se passait comme ci ou comme ça, je n'aimerai pas du tout ça, non ! Mais évidemment, une fois en passant on ne peut pas savoir, certaines circonstances exceptionnelles, une tentation brusque...


Et pourtant si l'un de nous rentrait un jour à la maison et disait à l'autre "Voilà ! J'ai eu envie de Monsieur X ou de Mademoiselle Une Telle. Et nous avons fait l'amour à corps perdu. Je ne l'aime pas mais nous avons fait l'amour..." Que resterait-il de nos belles théories, de notre risible "compréhension" ?
Tout cela se trouverait balayé par le raz-de-marée de l'instinct, par une douleur qui se foutrait bien des raisonnements et des syllogismes. C'est d'ailleurs d'une hypocrisie caractérisée de parler de cela au conditionnel. La fidélité est une question de temps. Et le couple vit intact sur une équivoque. Il n'y a pas de trivialité à le constater : certains corps font envie et ces envies-là ne se laissent pas mettre la corde au cou.
Alors quoi ? Le devoir, la règle, la morale ? Je n'aimerais guère que ma vie conjugale ait ces tristes assises. On ne se marie pas par devoir et la morale n'a rien à voir dans une nuit de noces. Nous avons eu envie de nous marier. Nous avons suivi la règle de notre désir et ce serait aussi une trahison, chemin faisant, d'en choisir une autre." Paul

"Un couple ne dure que s'il réussit à faire évoluer la notion "d'unique" - impossible et invivable - vers celle d'irremplaçable". Benoîte



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